Georges Ibrahim Abdallah : celui que l’on nomme souvent « le plus vieux prisonnier politique d’Europe ». C’est cet homme de 71 ans enfermé depuis plus de la moitié de sa vie dans une cellule de Lannemezan dans le sud de la France, et qui a perdu espoir de revoir un jour le jour.
Le Conseil Constitutionnel et la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) l’ont dit : Tout Homme doit garder une perspective d’être libéré, en ayant par exemple, la possibilité de demander des aménagements de peine… En droit français, M Abdallah est libérable depuis le siècle dernier et depuis, il a déposé une dizaine de demandes de libération conditionnelle. En vain.
Le sort expiatoire de M Georges Ibrahim Abdallah a été scellé près de 40 ans plus tôt par une Machine Infernale qui lui a collé l’étiquette de terroriste à l’issue d’un procès inéquitable.

Par Hynek Moravec — Travail personnel, CC BY 2.5, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=1914510
En un certain samedi hivernal, je me suis réveillée plus heureuse que d’habitude, car dans quelques heures, je devais prendre l’avion pour Istanbul. En effet, dès le lundi, j’avais une importante compétition sportive d’une semaine qui se déroulait à Antalya. Mes coéquipières, notre entraîneur et le directeur technique de l’équipe m’attendaient à Istanbul, d’où nous devions effectuer ensemble les 14 heures de route qui nous séparaient d’Antalya. La veille encore, je passais la dernière épreuve de l’examen d’entrée à l’école des avocats après un an de préparation. Bien qu’encore très fatiguée, je me sentais renaître petit à petit, et ce voyage allait permettre de faire retomber la pression en attendant les résultats.
Étant déficiente visuelle, j’ai effectué, lors de l’achat de mon billet, une demande d’assistance afin d’être accompagnée à l’avion lors de mon arrivée à l’aéroport de Lyon. Le prestataire de service (la société Onet) exige que chaque demande doit être effectuée auprès de la compagnie au moins 48 heures à l’avance. Ainsi, la compagnie aérienne a bien mis les informations nécessaires sur mon dossier, si bien qu’Onet les a reçues en temps et en heure. Son rôle consiste alors à prendre en charge les voyageurs à mobilité réduite ou en situation de handicap lors de leur arrivée sur les lieux, que ce soit en taxi, en transport en commun ou directement au guichet de la compagnie si une personne de leur entourage les y dépose. Pour ma part, j’ai rejoint l’aéroport à bord du Rhônexpress (le tram qui connecte la ville de Lyon à l’aéroport) et pendant ce trajet, j’ai demandé à l’agent à bord de contacter l’assistance, pour qu’ils me prennent en charge lors de mon arrivée. Ainsi, la société Onet a été informée de mon arrivée imminente deux heures avant le décollage, sachant qu’en plus, cette demande avait, comme je l’ai précisé, été dûment formulée par la compagnie aérienne une semaine plus tôt. Bien loin de résulter d’un évènement de dernière minute, mon arrivée était donc inscrite, et programmée. L’assistance a bien confirmé qu’ils viendraient me chercher dans le hall de la gare SNCF, juxtaposé à l’aéroport et auprès duquel le Rhônexpress s’arrête. L’agent du Rhônexpress m’y a accompagnée dès l’arrivée de la rame. Ne voyant personne arriver au bout de vingt minutes d’attente, j’ai commencé à m’inquiéter, mais, étant déficiente visuelle, il m’était impossible de me déplacer pour chercher un employé. J’ai interpellé un voyageur, qui, comprenant ma détresse, a à son tour interpellé un employé. Ce dernier est venu à ma rencontre et m’a dit qu’il travaillait à la gare, si bien qu’il ne pouvait quitter son poste, mais il s’est empressé de contacter Onet par talkie-walkie. Le personnel de ce dernier a là encore, confirmé qu’un agent viendrait à temps, et que je ne devais pas m’inquiéter. Ils avaient bien les détails de mon vol et l’heure de mon départ. J’ai donc patienté, accordant ainsi toute ma confiance à une société garantissant, comme elle le dit sur son site internet, « une approche pédagogique adaptée au profil de chaque personne » et « une organisation flexible et réactive en milieu aéroportuaire ».Malheureusement, la personne de l’assistance n’est venue à ma rencontre qu’après un temps exagérément long. Lorsque nous sommes arrivées à l’enregistrement des bagages, celui-ci avait fermé. « Pas grave », a dit l’employée d’Onet, « vous n’aurez qu’à prendre votre valise dans l’avion, elle n’est pas très grande, notre manager va immédiatement arranger ça avec la compagnie ». Mais, quelques tours de terminal plus tard, elle m’informe du contraire, les portes de l’avion viennent d’être fermées. Je ne pouvais plus embarquer, moi qui avais pourtant prévenu de ma demande d’assistance une semaine à l’avance, et qui venait d’attendre une heure dans les courants d’air glaciaux du hall de la SNCF, à la merci d’une assistance qui avait confirmé ma prise en charge, se rendant débitrice d’une obligation de résultat à mon égard. L’employée qui était à mon côté m’a alors reproché de ne pas avoir effectué mon enregistrement en ligne. Elle pensait, sans m’avoir préalablement posé la question, que j’avais déjà ma carte d’embarquement. En réalité, rien n’oblige les passagers à s’acquitter de cette démarche avant leur arrivée à l’aéroport. Personnellement, depuis plus de 10 ans que je voyage abondamment, j’ai toujours effectué mon enregistrement à l’aéroport, car il ne m’est pas aisé de le faire en ligne. Et comme tous les prestataires de services du monde accompagnant les passagers en situation de handicap ou à mobilité réduite, la société Onet a pour mission de les escorter dans toutes leurs démarches aéroportuaires inhérentes à un vol.Par ailleurs, si la société Onet estimait que l’heure de mon arrivée à l’aéroport ne lui permettait pas de me prendre en charge, il lui incombait de m’en informer tout de suite, au lieu de me laisser patienter une heure en disant que quelqu’un allait venir me chercher. J’aurais alors par exemple demandé à un passager lambda de m’accompagner au comptoir de la compagnie en demandant à un ami, par téléphone, d’effectuer mon enregistrement en ligne. Mais au contraire, ils ont assuré qu’ils viendraient, tant à l’agent du Rhônexpress qu’à celui de la gare, qui les a contactés à plusieurs reprises.Démunie, j’ai demandé à l’employée d’Onet qui m’accompagnait de me proposer une solution, tout au moins de me rembourser mon billet. En effet, le site d’Onet promet que la société peut apporter « des solutions spécifiques pour chaque personne à mobilité réduite ». En l’espèce, la perte de mon vol était imputable à un manque de rigueur dans le traitement de ma demande et la réponse apportée. Il incombait donc à cette société de me proposer une autre solution, équivalente à mon but premier, me rendre à Istanbul en avion dans les plus brefs délais. Le responsable est arrivé et il m’a informée qu’il ne pouvait rien faire pour moi, et que je n’avais qu’à rentrer chez moi, me faisant bien sentir que ma présence dérangeait. Incapable de me déplacer seule dans un aéroport aussi grand et rempli d’obstacles de toute sorte (il le savait), j’ai été contrainte d’insister pour qu’il m’accompagne auprès de la compagnie, pour trouver une autre solution et ne pas leur permettre de me laisser sur le carreau sans la moindre empathie. Malgré mon état de fatigue avancé, j’ai décidé de ne pas me laisser faire et de les mettre face à leurs erreurs. La compagnie aérienne ne possédant pas de comptoir permanent dans l’aéroport, les agents d’Onet ont consenti à m’accompagner chez Avia Partner (le bureau qui regroupe toutes les compagnies Low cost), en précisant que d’après eux, aucune demande d’assistance n’avait été faite à mon nom. Or, les employés d’Avia Partner ont pu accéder à mon dossier, où, ma demande d’assistance apparaissait clairement. Aucune faute n’étant constatée de la part de la compagnie, celle-ci ne pouvait donc rien faire pour moi.Sentant la toile d’araignée m’engluer un peu plus chaque seconde, je me suis de nouveau tournée vers le chef d’équipe de l’assistance, qui cette fois-ci, s’est dédouané en disant que la demande ne mentionnait pas que j’avais besoin d’une chaise, et que cela était de ma faute. Il a ajouté que les passagers n’ayant pas demandé de chaises n’étaient pris en charge qu’à partir du comptoir de la compagnie aérienne. Là, ce n’était plus une toile d’araignée, mais un étau d’acier froid qui se refermait autour de moi. Commençant à percer, par ce changement de version, une pointe de mauvaise foi, j’ai pris une profonde inspiration et j’ai décidé de lui donner un cours d’accessibilité pour les nuls. Étant déficiente VISUELLE, je n’avais pas besoin de fauteuil roulant, mais seulement d’un guide. Il me semble qu’une société apportant « une approche pédagogique » et « des solutions spécifiques pour l’accompagnement des personnes à mobilité réduite » ne devrait pas imputer les mêmes besoins aux personnes en fauteuil qu’aux personnes déficientes visuelles. Ces handicaps sont foncièrement différents et il n’est pas possible d’imposer aux personnes non voyantes de demander des chaises roulantes, quand elles peuvent parfaitement marcher.Au demeurant, la directive #1107/2006 de l’Union européenne et du Conseil de l’Europe du 5 juillet 2006 prévoit qu’afin de « donner aux personnes handicapées et aux personnes à mobilité réduite des possibilités de voyages aériens comparables à celles dont disposent les autres citoyens, il convient de leur fournir une assistance adaptée à leurs besoins spécifiques « . Et en l’occurrence, même si je peux marcher, il m’est impossible de me rendre seule du Rhônexpress au comptoir de la compagnie. Et la directive précitée prévoit que « cette assistance doit permettre aux personnes handicapées et à mobilité réduite de se rendre d’un point désigné d’arrivée à l’aéronef », et il est clairement précisé que ce point d’arrivée peut être une arrivée de gare, de taxi, ou de tout transport en commun », et que ces personnes « ne devraient pas se voir refuser un transport en raison de leur handicap ou de leur manque de mobilité ».Malgré cela, et après une heure d’une tentative de dialogue de ma part pour expliquer qu’il me fallait aller à Istanbul au plus vite pour prendre part à une importante compétition sportive, on m’a demandé de rentrer chez moi, en précisant qu’ils pouvaient appeler quelqu’un pour moi si besoin. La gentillesse condescendante des lâches ! « Mais, vous me réservez une place dans le vol du lendemain non », me suis-je enquis les larmes aux yeux, des larmes d’épuisement, de colère, de solitude. À ma gauche les agents d’Onet tentant de me refourguer à Avia Partnair, et à ma droite les hôtesses d’Avia Partner mi-complices mi-empreintes de pitié, voulant me refiler à quelqu’un, ce « quelqu’un » étant une personne de ma famille ou de mes amis, parce que oui, pour elles, j’étais forcément une assistée professionnelle et en même temps, une voyageuse en détresse parmi des milliers d’autres. Je crois que de toute cette histoire, c’est à ce moment-là que je me suis sentie le plus humiliée. J’étais un grossier paquet qu’on n’avait pas pu jeter dans l’avion à temps, et il fallait maintenant qu’un gentil samaritain de mon entourage vienne m’évacuer. Et hors de question de me réserver une autre place, puisque c’était de ma faute, j’aurais dû demander un fauteuil roulant ! Mais où était passée l’image d’entreprise citoyenne, impliquée dans l’intégration de tous ».Pour sauvegarder ma dignité, j’ai refusé de quitter l’aéroport. Hors de question d’abandonner mes coéquipiers stambouliottes, qui attendaient ma venue pour se rendre à la compétition. Tout cela était prévu depuis des mois et des mois. J’ai alors été contrainte de réserver, par mes propres moyens, une place dans le prochain vol pour Istanbul. Le vol n’étant prévu que pour le soir même, j’ai attendu près de cinq heures au Café des Confluences de l’aéroport. Pour une personne qui ne voit pas, se trouver seul dans un lieu aussi immense et inconnu peut se révéler très dégradant et déshumanisant, car des tâches qui paraissent normales pour quelqu’un d’autre, comme aller aux toilettes ou trouver un endroit pour s’abreuver, nous deviennent alors très difficiles. Il nous est possible de demander l’aide d’autrui, mais cela nous impose une situation de dépendance et porte atteinte à notre dignité. Il n’est pas facile de demander des choses aussi personnelles à des inconnus. Cela nous met également en situation de danger parce que nous sommes alors exposés aux potentiels voleurs, pour qui nous sommes souvent des cibles privilégiées. Difficile également, de garder un œil sur ses affaires quand on ne voit pasLa situation m’a énormément affectée personnellement, et je remercie le manager du Café des Confluences pour tout le réconfort qu’il m’a apporté ainsi que le serveur pour la coupe de Chardonnay offerte ! Vous avez illuminé ma journée. J’ai également rencontré deux clientes super sympas qui m’ont offert ce que j’avais le plus besoin sur le moment, l’écoute, et la relativisation. L’une d’elles m’a même accompagnée au service Welcome de l’aéroport, lequel est censé traiter les réclamations des passagers, mais, inutile de préciser que là encore, je n’étais pas la « bienvenue ». Un rempart d’acier se dressait face à moi, et j’étais renvoyée de service en service, confrontée à la lâcheté humaine en ping-pong. Ce n’est que quelques heures et quelques larmes plus tard que mes réflexes de juriste et future avocate ont repris le dessus, et j’ai décidé de contacter directement le service contentieux de l’aéroport. La directive du 5 juillet 2006 à laquelle sont soumis tous les aéroports européens prévoyant qu’»il importe qu’une personne handicapée ou une personne à mobilité réduite qui estime que le présent règlement a été enfreint puisse porter la question à l’intention de l’entité gestionnaire de l’aéroport ou à celle du transporteur aérien concerné selon le cas. Si elle n’obtient pas satisfaction de cette manière, elle devrait avoir la possibilité de porter plainte auprès de l’organisme ou des organismes désignés à cet effet ». N’ayant pas eu la possibilité de demander réparation sur place, j’ai demandé le remboursement du billet Lyon-Istanbul que j’ai été contrainte de payer moi-même, ainsi qu’un dédommagement de 500 euros pour les dommages moraux subis. J’ai précisé que sans réponse favorable dans un délai de 15 jours ouvrables, je serai en droit de les assigner en justice pour obtenir réparation des préjudices subis, et je contacterai la presse en publiant massivement cet incident sur les réseaux sociaux. J’ai ajouté : « Si nous ne parvenons pas à trouver une solution amiable, je saisirai également le Défenseur des Droits et ferai une action de groupe pour cause de discrimination, car de nombreuses autres passagers ont subi des dommages similaires ». En effet, avant de rédiger mon courrier au service juridique de l’aéroport, j’ai effectué des recherches poussées et j’avais appris qu’à peine quelques jours plus tôt, une personne âgée avait raté son vol alors qu’elle se rendait à un enterrement. Là encore, le dommage irréversible était imputable à un retard d’Onet. Depuis qu’elle s’est installée à l’aéroport de Lyon il y a moins d’un an, la société a fortement dégradé la qualité de l’accompagnement qui était réservée aux personnes en ayant besoin. Mais l’aéroport continue d’avoir recours à ce prestataire médiocre qui n’a que faire du bien-être de ses passagers. Pour rappelle, lorsqu’un passager subit des préjudices suite à une prise en charge défaillante (manquement à l’obligation de résultat), la directive précitée recommande aux états « d’imposer au responsable, des « sanctions, qui pourraient comprendre l’obligation de verser une indemnité à la personne concernée, et qui devraient être efficaces, proportionnées et dissuasives ». Finalement, l’aéroport m’a présenté officiellement ses excuses et m’a indemnisé à hauteur de 400 euros, une bagatelle par rapport à ce que prévoit la loi. Je suis cependant favorable aux médiations en interne plutôt qu’aux assignations en justice, quand cela est possible, et c’est pour cela que j’ai accepté. Et c’est aussi parce que le service juridique m’avait assuré que le prestataire serait corrigé en interne, pour moi, l’intérêt étant qu’aucune autre personne ne subisse cela et non la sanction bête et méchante. Mais malgré trois mails de ma part pour m’informer, je ne sais toujours pas si des mesures disciplinaires ou correctives ont été prises contre le prestataire. Et c’est pourquoi je souhaite informer sur ce qui s’est passé, car nous ne devons laisser personne malmener notre dignité. J’invite toute personne ayant subi des préjudices similaires, à me les signaler afin d’envisager au besoin, une action collective. J’ai également proposé à l’aéroport de les mettre en contact avec l’association Point de Vue sur la Ville qui travaille en faveur de l’accessibilité de la ville de Lyon et de tous ses services aux citoyens. L’aéroport m’a assuré que le président de l’association Pierre-Marie Micheli serait contacté pour travailler ensemble en faveur d’une réelle accessibilité. Ils ont accepté ma proposition, qui devrait, je l’espère, se concrétiser en début 2020.

Le 25 décembre dernier, mon chien guide s’est fait refouler par le prêtre d’une église.Eh non, je n’étais pas venue pour assister à la messe, et d’ailleurs je ne suis pas catho, mais je devais aider à l’organisation d’un repas en faveur des personnes sans-abri, que j’organisais avec des amis qui eux sont chrétiens.Je ne vous apprendrai rien en vous disant que parfois, on croit bien connaître certaines personnes, mais que nul n’est à l’abri d’une déception, voire d’une trahison.Souvent, on attend plus de nos proches que de quiconque, parce que la confiance règne et que des liens très forts nous unissent. Mais alors que faire quand une parole, un acte, ou même le silence de nos amis lorsqu’on restait certain qu’ils s’engageraient à nos côtés est aux antipodes de la foi qu’on avait en eux ?Lorsqu’on s’aperçoit que leurs intérêts personnels et de ceux de la religion qu’ils suivent aveuglément passent avant l’amitié qu’ils vous louent ?J’ai décidé de rédiger un article pour répondre à ces questions en présentant une facette de ma mésaventure hivernale qu’on a voulu occulter à tout prix.
Les médias ont longuement relaté la mésaventure qui m’est arrivée à l’Église Saint-Bonaventure de Lyon, le 25 décembre dernier. Aussi, je ne ferai que résumer brièvement les faits, simplement pour recontextualiser l’histoire, avant de décrire la manœuvre de dissuasion et de culpabilisation dont j’ai fait l’objet. Loin de moi l’idée de me victimiser, mais dans certains cas, la mentalité de troupeau qui pousse tout un groupe à se taire d’une même voix devant une aberration, simplement pour se soutenir les uns les autres, est très intéressante à analyser.Avant de commencer, je voudrais remercier toutes les personnes qui m’ont soutenue à travers les médias sociaux, car vous avez été nombreuses, et cela fait toujours chaud au cœur…
Ce 25 décembre dernier, de soi-disant amis et moi organisions un repas de Noël en faveur des personnes sans-abri dans le sanctuaire Saint-Bonaventure, à Lyon. Ces derniers font partie d’une organisation appelée Sant-Egidio dont je parlerai plus en détail dans quelques paragraphes. À peine arrivée devant l’église, je me suis heurtée à la rudesse du prêtre, qui, posté devant la porte tel un videur de discothèque, a orgueilleusement refusé que Juke, mon beau gosse de chien guide, entre avec moi dans l’église. Légèrement désarçonnée par le curieux concept du prêtre-vigile, j’ai tout de même appréhendé la situation avec le sourire, expliquant que je faisais partie des organisateurs et que les chiens d’assistance sont admis dans tout lieu ouvert au public. Le Père Rollin, Patrick de son prénom, m’a dit que je pouvais laisser Juke dehors avec les autres chiens des sans-abri. Je lui ai expliqué que cela n’était pas envisageable du fait du statut particulier de l’animal. Non seulement la loi autorise Juke à entrer dans cette église, mais en plus sa demande revenait à imposer à une personne amputée de laisser sa prothèse dehors avant d’entrer. Par ailleurs, j’ai précisé que l’éducation d’un chien guide coûte environ 20 000 euros et que cette somme n’a pu être réunie que grâce à des donations populaires. Donc raison de plus pour ne pas laisser Juke dehors.Voulant sans doute se poser en médiateurs, mes amis d’alors ont proposé au prêtre de faire entrer mon gros tas de sable quitte à le laisser dans l’une des nombreuses pièces situées au premier étage de l’église, mais l’homme de Dieu s’est énervé et a menacé de nous couper tout soutien futur si nous insistions encore. J’ai senti qu’on touchait le fond, certaine que dès lors, les autres seraient au moins autant choqués que moi, sinon plus, de ce chantage malhonnête. Surtout que d’habitude, ils n’ont pas la langue dans leur poche, forts de nombreuses années de militantisme étudiant.Enfin voilà, malgré l’arrivée de la police, que j’ai appelé pour faire constater l’infraction (puisqu’il ne faudra pas compter sur mes « amis » pour témoigner), l’Homme de Dieu est resté campé sur ses positions, car seuls les c… changent, c’est bien connu. C’est à partir de là que l’histoire est devenue spéciale…
Je l’ai mentionné plus haut, ce repas de Noël était organisé par des membres de Sant’Egidio, une communauté de fidèles catholiques fondée à Rome en 1968. Depuis, la communauté s’est agrandie et dispose de plusieurs antennes en peu partout dans le monde. Elle a pour but de tisser des liens d’amitié avec les personnes de la rue, d’organiser des séances gratuites d’aide aux devoirs pour les enfants issus de quartiers sensibles, de favoriser les échanges entre les jeunes voulant promouvoir la paix dans le monde au lieu de se résigner à attendre que les choses se fassent d’elles-mêmes. Mais il est temps de se demander ce qui se cache derrière cette vitrine fumeuse ?Je ne suis pas catho, mais il m’est arrivée de filer un coup de main à Sant’Egidio Lyon pour certains évènements solidaires. J’ai notamment participé à des maraudes, des récupérations d’invendus et j’ai fourni mon appartement pour la préparation de repas et de boissons chaudes redistribués ensuite dans la rue. L’antenne de Lyon est gérée par Anne, une ancienne étudiante en psycho qui n’a absolument aucun recul sur ce qui est écrit dans la Bible et qui s’est auto-proclamée présidente sans jamais avoir été élue. La gouvernance dans les structures religieuses est souvent quelque chose de fascinant…Je ne peux affirmer que la présidente de Sant’Egidio Lyon n’a pas une grande capacité de réflexion et d’auto-détermination, avec un réel manque de recul sur sa religion sans illustrer mes dires. Par exemple, le fait que l’église Saint-Bonaventure fasse payer 300 euros à Sant’Egidio pour utiliser les locaux le temps de l’évènement ne l’a pas surpris le moins du monde. Oui oui, vous avez bien lu. L’Église, ce lieu d’accueil et d’asile inconditionnels, loue ses locaux pour l’organisation de repas solidaires. Quelques jours avant l’évènement, j’ai expliqué à Anne que cela était scandaleux, mais elle m’a répondu que l’église ne faisait aucun profit là-dessus, qu’il s’agissait simplement d’une contribution servant à couvrir les frais de chauffage et d’électricité nécessaires lors du repas… No comment.Alors quand on sait ça, le fait que Patrick nous ait menacés de couper tout soutien si nous insistions trop à vouloir faire entrer ce chien, ça ne passe pas. Même si vous ne me connaissez pas, je suis sûre que vous pouvez vous imaginer ma tête à ce moment-là ! Un prêtre qui non seulement fait du chantage pour asseoir son autorité tout en dissuadant quiconque de contester sa décision, mais en plus quand on connaît la réelle teneur du soutien qu’il a apporté lors de l’organisation de ce repas, on ne peut que sauter au plafond. Bon dans mon cas, c’était difficile vu que je n’ai jamais pu entrer dans cette église et que dans la rue, il n’y a pas de plafond. À ce moment-là, les gens que je tenais pour amis ont affirmé que je n’avais qu’à laisser Juke dehors. D’après eux, si on le faisait entrer, les sans-abri ne comprendraient pas pourquoi leurs boules de poils à eux devaient rester dans le froid. Je ne pense absolument pas que ma grosse crêpe flambée a plus d’importance que les autres chiens, mais en l’occurrence, les personnes de la rue étaient les premières à me soutenir et à trouver parfaitement normal que Juke puisse entrer dans l’église.
Au cours des jours qui ont suivi l’incident, les membres de Sant’Egidio Lyon, susnommés « amis », ont fait tout ce qu’ils pouvaient pour me dissuader de déposer plainte. De quoi avaient-ils peur ? De quel droit se permettaient-ils de se prononcer sur ma décision de porter plainte ou non ? Ce prêtre a enfreint une loi de la République en méconnaissant mes droits les plus légitimes. Ils m’ont clairement fait comprendre que mon comportement était égoïste, et que je ne pensais pas assez à leur image. Après tout, il fallait que je sois compréhensive, le prêtre était sous pression ce jour-là, suite à l’arrivée d’une centaine de sans-abri. Moi, je ne voyais pas le rapport entre le nombre d’invités et le laxisme qu’ils m’imposaient à coups de culpabilisation. Si d’ailleurs légitimer le comportement de ce prêtre collait mieux à leur image que condamner ce qui s’est passé, alors je n’avais définitivement plus rien à leur dire.On m’a alors accusée d’être responsable de la rupture du partenariat entre Sant’Egidio et Saint-Bonaventure ! Vous remarquerez qu’un partenariat qui donne accès à une église pour la modique somme de 300 euros afin d’y organiser un repas caritatif, c’est hyper cool ! D’après eux, en apprenant ce qui s’est passé, l’antenne de Paris risquait de ne plus les soutenir, décidément, tout le monde voulait les lâcher !Cette semaine-là, mon téléphone a beaucoup sonné, certains membres se sont même déplacés chez moi alors que j’avais dit ne pas être disponible à ce moment-là et que j’avais proposé un autre créneau horaire. Sans préavis, Anne m’a retirée du groupe messenger de Sant’Egidio. J’ai pourtant contribué à l’organisation de cet évènement, que ce soit en donnant de mon temps avant le jour J, de mon argent pour l’achat de cadeaux aux invités, et de mon répertoire (en demandant à une amie pâtissière de confectionner une belle bûche). Je ne m’attendais pas à des remerciements, car toute l’aide que j’ai pu apporter était inconditionnelle et sans retour, mais venant de la part de ces soi-disant « jeunes pour la paix », il me semble que l’ostracisme et le rejet ne devraient pas être de mise.Alors qu’elle n’a pas daigné lever le doigt d’un millimètre, ou ses fesses de la chaise sur laquelle elle était assise bien au chaud pendant que le prêtre-vigile me maintenait dans le froid, Anne, la présidente de Sant’Egidio Lyon, m’a appelée deux semaines après les faits, pour simuler une tentative de dialogue. En réalité, elle m’a bien précisé qu’au nom de Sant’Egidio elle ne pouvait me soutenir, qu’elle tenait bien trop à ce fameux partenariat avec Sain-Bonaventure, tout en ajoutant avec condescendance « mais à titre personnel je te soutiens hein ». « Ah bon ! À quel moment » ? N’est-ce pas elle qui m’a supprimée du groupe messenger de Sant’Egidio sans jamais entrer en com avec moi ? Mais quelle hypocrite celle-là ! De son côté, L, que je connais depuis 10 ans et qui ne va jamais à la messe sans faire entrer son chien (de compagnie) en cachette, m’a répété que non, voyons, je n’avais pas vraiment besoin de Juke, que c’était seulement par luxe que je tenais absolument à le faire entrer, et qu’après tout, je ne m’étais jamais souciée des autres chiens. Quant à A, il a voulu taper dans l’originalité, m’accusant de vouloir être un symbole, symbole de quoi, je ne sais pas, car bon, porter plainte quand même, là c’est moi qui abuse ! À peine une heure après m’avoir assuré qu’il tenait à ce que cet incident n’endommage pas notre amitié de 10 ans, il m’a tacitement retirée du groupe de discussion qu’il avait créé pour inviter quelques amis à passer le Nouvel An chez lui dans le Jura. Et bon, les autres, ils se sont tus, certains affirmant qu’ils n’étaient pas présents sur les lieux, et que donc ils n’avaient pas d’avis à donner. Ainsi, si on suit cette logique, demain vous tuez quelqu’un, ses proches n’auront pas le droit de se prononcer puisqu’ils n’étaient pas présents sur les lieux !
Les membres de Sant’Egidio ont suivi un prêtre qui après les avoir fait payer excessivement cher l’accès à un lieu qui normalement donne l’asile à tout être vivant, méconnaît une loi de la République, empêchant l’accès de la maison de Dieu au chien guide d’une personne qu’ils ont en amie depuis une décennie. Là tu te dis que ce n’est pas possible, non d’un chien ! Quelqu’un va réagir quand même. Oui, car individuellement, ces gens sont tous doués d’un esprit critique. Et c’est là qu’une explication s’impose.Dans ce genre de situation, les gens se préoccupent davantage de leur place au sein du groupe s’ils donnent une opinion contraire à ce dernier, plutôt que de rester fidèle à ce qu’ils défendraient en tant qu’individus. Cette dépendance mutuelle et intrinsèque peut les conduire à dévier vers une forte tendance sectaire et à placer la société au-dessus de l’individu, obéissant aveuglément à une puissance autoritaire contre laquelle elles perdent leur esprit critique. L’obéissance ou soumission aveugle est ici actionnée par le rôle du prêtre, perçu comme un leader. En effet, lorsqu’on a affaire à une personne au rang social plus élevé ou ayant une notoriété plus importante, nous leur attribuons une connaissance et des qualités que nous n’avons pas. Mais attention, quand on perd à ce point notre capacité de discernements, de mouton on peut devenir un loup. C’est ainsi que des groupes peuvent fonctionner en pilotage automatique pendant des années, avec des effets collectifs dépourvus de tout débat contradictoire, sans s’apercevoir des dommages collatéraux catastrophiques pour la société et pour eux-mêmes.En montagne, il arrive de retrouver des troupeaux entiers morts au bas d’une falaise. Pour fuir un prédateur, le troupeau suit le mouton de tête. Si celui-ci se trompe de direction et arrive en bord de falaise, lancé à pleins gaz, il ne lui sera plus possible de s’arrêter. Poussé par l’inertie du groupe, il basculera dans le vide, suivi par ses congénères qui seront entraînés par ce même destin.En conclusion, il y a sûrement plein de situations où nous nous taisons alors que de grandes aberrations sont en train de se commettre sous nos yeux. Je ne dis pas qu’il faut passer son temps à se battre ou à refuser tout comportement commun, mais au moins, soyons cohérents avec nous-mêmes ! Quand nous appartenons à une organisation protégeant certaines valeurs de paix, faisons en sorte d’appliquer ces principes en-dehors de la meute, même si les intérêts de celle-ci ne sont pas forcément représentés. Soyons conscients des dangers du comportement de suiveur. Se réfugier dans la pensée de groupe favorise les phénomènes tels que le racisme, la xénophobie, l’oppression de minorités et certains conflits ethniques, ou même des guerres civiles.
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