Le miracle de la cellule #7
« 7. Kogustaki Mucize » est un drame turc qui met en scène un berger retardé mental condamné à tort à la peine capitale. L’histoire, inspirée d’un film sud-coréen se déroule en 1983, soit un an avant que la dernière exécution ait lieu en Turquie. Plongé au cœur du système carcéral de l’époque, on suit le berger jusque dans la cellule #7 et on est alors suspendu dans le vide, funambule. Le timing laisse présager que c’est lui qui fera l’objet de la dernière exécution du pays.
Dès le début du scénario, on apprend que le berger a en quelque sorte, le même âge mental que sa fille de 7 ans. La complicité qui regne entre eux n’en est qu’accrue. Un jour, le berger va chercher sa fille à l’école, sous les quolibets des autres enfants. En rentrant, ils s’arrêtent à une échoppe de rue. Les yeux de la fillette s’équarquillent devant un sac, mais l’objet est trop cher. Le berger promet alors que le lendemain, il vendra assez de sucre de pomme pour le lui offrir. Et lorsqu’ils reviennent avec la somme nécessaire, ils croisent un commandant de l’armée qui vient d’acheter ce même sac pour sa propre fille. Et c’est cette dernière que l’on retrouve morte, dans les bras du berger quelques jours plus tard.
En prison, l’accusé se fait copieusement tabasser par les autres détenus. Le directeur du centre pénitencier avait pourtant intimé aux gardiens de taire la raison pour laquelle le berger était là, afin de lui éviter un double châtiment. Mais le prisonnier ne cherche pas à se défendre et se montre presque rieur sous les coups qui tombent en rafales. On se demande comment il va survivre et on s’inquiète pour sa fille. Cette dernière n’est même pas autorisée à venir le voir, ce qui exacerbe le poid de l’injustice qu’on voit peser sur eux.
Les femmes occupent une place très importante dans le film. Pour commencer, il y a Ova, la fillette de 7 ans. À chaque nouvelle épreuve qu’elle traverse, on s’attache davantage à ce chérubin. C’est sa grand-mère qui prend soin d’elle pendant que le berger est en prison, car elle demeure sa seule famille. L’aïeule décède en plein milieu de l’histoire, et c’est l’institutrice du village qui s’occupe d’Ova. La jeune maîtresse symbolise la femme indépendante et avant-gardiste, puisqu’elle ne semble dépendre d’aucun homme. On sait qu’elle est attachée à son propre père, mais que celui-ci est assez dur avec elle. C’est la raison pour laquelle elle admire la tendresse du berger envers sa fille. Elle se bat pour que le directeur de la prison accorde à Ova le droit de revoir son père avant qu’il n’aille à l’échafaud.
En Turquie, tous les 24 novembre, on fête les enseignants. En effet, c’est le 24 novembre de l’année 1928 que le titre de Professeur des Écoles du pays a été remis à Ata Turc par le Conseil des Ministres. Le fondateur de la République n’avait eu de cesse de multiplier les réformes pour éduquer son peuple. En Turquie, on voue à nos instituteurs un respect sans faille, car on considère que leur rôle transcende les murs d’une salle de classe. Et ce personage en est une émouvante illustration.
Peu à peu, les camarades de cellule du berger prennent conscience de l’évidence, l’accusé n’a pas l’âme d’un criminel. Ils en sont convaincus, lorsqu’ils font la connaissance d’Ova, qui vient leur rendre visite à plusieurs reprises. Par le bouche à oreille, ils apprennent qu’un témoin aurait peut-être vu la scène de la mort de la victime, et ils cherchent à le retrouver pour qu’il raconte la vérité. Son récit pourrait sauver la vie du berger et le faire acquitter. Mais malheureusement, le témoin est un déserteur de l’armée, et il ne sera pas crédible aux yeux de la société.
Dans ce film, chaque personnage nous apporte des enseignements cruciaux. Le commandant illustre à quel point nos sentiments et convictions peuvent être biaisés par le prisme de l’émotivité. Et lorsque l’homme occupe une haute place dans la société, il faut beaucoup de courage et d’espoir pour l’affronter. Le berger est un naIf sympathique qui ne ferait pas de mal à une mouche, et c’est cette gentillesse sans faille qui ébranlera ses camarades, au point de vouloir se sacrifier pour lui sur l’échafaud. Ce sont pourtant de gros durs qui ont leur part de crimes à leur actif, mais ils regagnent une bonne dose d’humanité au contact du berger.
Cette histoire donne la sensation d’avoir une lame plantée en plein cœur, et parfois, une main invisible vient remuer le couteau dans la plaie. Un film qu’on ne peut regarder sans pleurer mais qui en définitive, est parsemé de messages d’espoir.
Photo: https://www.imdb.com/title/tt10431500/mediaviewer/rm4158756609, Adil kullanım, https://tr.wikipedia.org/w/index.php?curid=2551006