Les athlètes paralympiques ne sont pas des super-héros

Les athlètes paralympiques ne sont pas des super-héros mais simplement de grands techniciens de leur discipline, et c’est déjà pas mal !

Les Jeux Paralympiques s’achèvent et le baromètre de diversité du CSA retombe déjà à son taux habituel de 0. Il faudra attendre Paris 2024 pour qu’il affiche de nouveau très légèrement à la hausse. Heureusement que la campagne « WeThe15 » elle, va durer 10 ans.

C’est évidemment une excellente chose que depuis Londres, les Jeux Paralympiques commencent à être un peu plus médiatisés. Il faut dire qu’on part de loin, surtout en France, et que nos politiciens ont longtemps ignoré les délégations paralympiques. Je me souviens notamment des Jeux de Pékin où alors qu’elle a récolté plus de médailles que la délégation olympique, le Président n’est pas venu voir la délégation paralympique, comme le souligne l’athlète Assia El Hannouni.

Maintenant, ce qu’il faudrait, c’est que les médias cessent de véhiculer l’image du sportif super courageux et résiliant qui, « malgré son handicap », accomplit des exploits, est constamment dans la sur-compensation, donnant en prime des leçons de vie aux autres. Ces images faussées portent énormément préjudice aux personnes en situation de handicap , pour les raisons suivantes :

Premièrement elles placent le fardeau du dépassement du handicap sur la personne elle-même, et non sur la société. Or, juste pour rappel, plus une personne en situation de handicap galère pour que le handicap ne soit pas un obstacle pour la réalisation de ses projets, moins la société dans laquelle elle vit est inclusive. Pour le dire autrement, c’est à l’Etat, et non à la personne, de mettre en place des politiques publiques pour que celles-ci puissent avoir les même droits et opportunités que les autres sans fournir de temps, d’efforts, de ressources supplémentaires.

Deuxièmement, placer le curseur sur les sportifs en situation de handicap seulement lorsqu’ils accomplissent des exploits et les montrer en super héros portent préjudice à la majorité des personnes en situation de handicap qui elles, aspirent simplement à pratiquer le sport comme amatrices et rencontrent toute une série d’obstacles préalables, dont presque personne n’a conscience.

Troisièmement, la super héroïsation traduit en fin de compte le fait que les attentes que la société a des personnes en situation de handicap sont moins élevées que des autres et cristallise une forme de projection malsaine. De nombreuses personnes n’étant pas en situation de handicap et voyant des sportifs handicapées en action s’imaginent, que dans leur situation, elles ne parviendraient pas à faire cela.

En fait, les personnes en situation de handicap sont perpétuellement sur des montagnes russes, entre misérabilisme et héroïsation. Et les médias alimentent ceci. Je vous invite à écouter l’émission récemment diffusée sur France Culture et nommée « Les représentations servent-elles l’inclusion »?

Personne ne dit qu’il ne faut pas aduler les athlètes paralympiques, mais il faut juste le faire pour des raisons plus saines. Et là, je voudrais distinguer les raisons qui sont identiques à celles pour lesquelles j’admire tout athlète olympique (avec handicap ou non), de celles pour lesquelles il me semblerait sain d’admirer un peu plus les para-athlètes.

Pour commencer, je suis admirative de tous les athlètes, paralympiques ou non pour la pratique, la ténacité, les sacrifices et les efforts dont il faut faire preuve pour en arriver à ce niveau-là. Je n’ai pas de mot pour qualifier le choc qu’à dû representer le report des Jeux de Tokyo après 4 ans de travail, de sacrifices, et de préparation, juste après le confinement qui n’a pas fait du bien à la santé mentale. Se dire qu’il fallait repartir pour une année aussi intense a dû représenter un effort colossal.

Maintenant, pour ce qui est des para-athlètes, s’ils sont dignes d’admiration, ce n’est pas parce qu’ils en sont arrivés là » malgré le handicap », mais parce que malgré le manque d’accessibilité et d’inclusion des salles de sport, des clubs grand public, malgré que pour certains les entraînements reposent souvent sur la disponibilité ou non d’une tierce personne sans laquelle il ne leur est pas possible de s’entraîner (comme la course à pieds pour les athlètes déficients visuels), malgré le manque de sponsors ou de partenariats entre l’employeur et l’Etat, malgré le manque de politique publique en faveur de l’inclusion sportive, etc, ces athlètes ont tout de même atteint un niveau de technicité très élevé. Si certains d’entre eux ont fourni plus d’efforts que les autres pour gagner leur ticket pour les jeux, ce n’est pas dans le dépassement du handicap que ces efforts ont été fourni. C’est dans le dépassement de ces obstacles, obstacles que seule la société à le pouvoir et le devoir de briser.

« WeThe15 » est la plus grande campagne du monde reliant les Droits Humains au Sport et a pour objectif de contribuer à une société plus inclusive pour les 15 % de personnes en situation de handicap du monde. Lors du lancement de cette campagne, j’ai eu l’occasion de pouvoir m’exprimer à ce sujet au pied levé. Pour ceux d’entre vous qui ne sont pas trop amis avec l’anglais, le message principal que je porte est que malgré que les personnes en situation de handicap constituent la plus grande minorité du monde, c’est pourtant celle qui reste la plus marginalisée. Et toute experte que je suis en Droit des minorités à travers le monde, je suis incapable d’apporter une explication rationnelle à ce phénomène.

Le sport occupe une place importante dans ma vie. En plus de la course à pieds et d’autres disciplines que j’aime bien, je pratique le Goalball à haut niveau. J’ai réintégré l’équipe de France féminine de Goalball depuis peu et cela me motive pour faire de mon mieux afin de pouvoir représenter notre pays lors des Jeux de Paris 2024. Si vous souhaitez savoir ce qu’est le Goalball et participer de sa vulgarisation, je vous invite à passer les prochaines 6 min à visionner cet extrait du match Chine-Brésil à Tokyo diffusé sur France 4 il y a quelques jours.

Je trouve que dans ses descriptions, Sami El Gueddeari adopte le parfait équilibre entre la valorisation sans aller dans l’héroïsme et la sur-compensation. Et, il adresse au passage un clin d’œil à l’équipe de France féminine de Goalball, donc, à mon tour de le saluer ici.

Je vous souhaite une bonne découverte et espère que cette découverte n’en sera plus une dans les années à venir… Je me verrais bien aller chez Decath et demander au vendeur où se trouve le rayon Goalball 😉

Güler Koca

Née dans la région lyonnaise en 1990 et issue de parents turcs, Güler Koca est diplomée en droit international et en résolution de conflits. Afin de transformer ses connaissances théoriques en pratique, elle a vécu au Proche-Orient, entre autres régions géographiques. Ses périples autour du monde et sa double-culture alimentent sa plume, puisque l’ailleurs est parsemé de coffres forts sociaux inestimables. Elle emmène volontiers le lecteur à la découverte de ces trésors à travers son écriture.

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