Un tour du monde dans mon assiette en 9 escales
C’est en grignotant un chocogrenouille à Édimbourg que j’ai décidé de vous emmener autour du monde, à bord de mon assiette. J’ai fouillé dans une décennie de voyage, pour sélectionner les 9 plus belles choses auxquelles j’ai goûté. Chaque plat sera accompagné d’une anecdote racontant le contexte dans lequel je l’ai mangé. Nous allons faire de magnifiques escales comprenant l’Espagne, le Costa Rica, le Canada, les îles Fidji, le Pérou, la Palestine, l’Inde, la Suisse, pour finir en Écosse, où je me trouve actuellement. Attention, vous allez en avoir plein les papilles en quelques lignes. J’ai hâte de savoir quelle escale vous allez préférer… Alors à table !
La « calçotada »
Alors que j’étais en Erasmus à Barcelone, j’ai décidé d’apprendre le catalan. C’est ainsi que j’ai rencontré Heura, qui voulait améliorer son français. On a décidé de se retrouver chaque jeudi pour un échange linguistique et je dois dire qu’on a été très assidues. Au fil de notre apprentissage, on a tissé un super lien d’amitié.
Un jour, Heura m’a invitée à faire la traditionnelle et inoubliable « calçotada ». C’est ainsi qu’on nomme la façon typique de manger les calçots, une variété d’oignons catalans tendres et doux semblable à une cive ou à un poireau. Il faut les couvrir de terre au fur et à mesure qu’ils poussent. Ils sont prêts à être consommés entre janvier et mars.
Après les avoir fait cuire à feu vif, en les déposant d’une couche sur des grilles, directement au contact des flammes, on les sert sur une tuile, pour les garder chauds. Les calçots se savourent nappés de la traditionnelle salvitxada, une sauce composée de ñoras (une variété de poivron séché cultivée à l’est de l’Espagne), d’amandes et de pignons de pain grillé, de tomate et d’huile d’olive.
Avant de les manger, il faut les déshabiller de leurs feuilles extérieures carbonisées, les saisir à la main par leur extrémité verte et les tremper dans la sauce. Une véritable explosion de saveurs se répand partout sur le palais. Ce fut la nourriture la plus exquise qu’il m’ait été donné de goûter en Catalogne.
Le « gallo pinto »
Lorsque je vivais au Costa Rica, j’étais en train de préparer le marathon de New York. Comme il faisait très chaud en journée, je me levais au chant du coq pour aller m’entraîner. C’est d’ailleurs cet oiseau de basse-cour qui a inspiré le nom du plat national du Costa Rica, le « gallo pinto ».
On raconte que dans les années 30, un villageois, désirant organiser un festin dans sa communauté, avait tué pour l’occasion son coq tacheté, son « gallo pinto ». Se rendant compte qu’il y avait plus d’invités que de nourriture, il avait ajouté du riz et des fèves noires à sa préparation.
Il n’y a plus de trace de viande dans le gallo pinto tel qu’on le mange aujourd’hui. Le riz et les fèves noires s’agrémentent d’herbes aromatiques, de bananes plantains, de tortilla et d’œufs frits. Si la recette paraît peu élaborée, c’est principalement parce qu’elle rassemble les ingrédients les moins chers du pays, mais en réalité, sa préparation ne nécessite pas moins de trois cuissons différentes.
À travers les fenêtres ouvertes des maisons sous lesquelles je passais au pas de course, j’entendais les mères préparer leurs enfants pour l’école, tout en s’affairant dans la cuisine. Le grésillement des œufs jetés dans l’huile d’olive des sauteuses annonçait que le petit déjeuner serait bientôt servi. J’en voulais pour preuve l’odeur de coriandre, de poivron et d’ail finement ciselés qui viendraient agrémenter le gallo pinto.
Le brunch canadien
Ah, comme j’ai envie de remonter le temps pour déguster ce formidable brunch qu’une amie avait confectionné. La photo parle d’elle-même donc inutile d’extrapoler.
Le Lovo
le meilleur festin auquel il m’a été donné de prendre part est sans nul doute le Lovo, aux îles Fidji. Cet archipel composé d’environ 300 îles où j’ai eu la chance de vivre plusieurs mois se situe au cœur de l’Océan Pacifique. Pour en savoir plus, vous pouvez lire l’article en question.
Le Lovo désigne la façon traditionnelle de cuire les aliments : à l’étouffée, sur des pierres chauffées à blanc. On les recouvre de terre et de feuilles de bananier.
Les mets tels que le dalo (une fécule farineuse croisée entre la pomme de terre et la châtaigne), le manioc, les légumes, le poisson et les viandes prennent alors cet exquis goût de fumée tandis que les danses et chants traditionnels viennent embellir le tableau.
Ce festin est inévitable pour quiconque se trouve aux îles Fidji, donc l’anecdote ne portera pas sur la façon dont j’ai découvert le Lovo. Mais, sur le fait qu’on le mange assis par terre, sur des tapis de pandanus. Le pandanus est une plante omniprésente sur le littoral et reconnaissable à ses racines déployées en faisceau.
À l’âge le plus tendre, les jeunes filles apprennent à tisser les feuilles de pandanus. Il faut les faire sécher, en retirer les épines, les faire bouillir et sécher de nouveau, avant de les gratter avec des coquillages pour les assouplir, et les lamer en bandes d’un à deux centimètres de large. Celles-ci seront nattées pour confectionner des tapis, des nappes ou même des couches pour dormir à même le sol.
Eh bien tout simplement, savoir que les jeunes filles apprennent à tisser cette plante dès leur plus jeune âge m’a fait penser à ma mère, qui elle aussi était tisseuse dans sa jeunesse, mais dans un tout autre endroit…
Les Picarones
Mon premier grand voyage occupe une place toute particulière dans mon cœur. Il s’agissait d’un projet humanitaire dans le nord du Pérou. Je posterai très certainement un article pour en parler plus en détail.
Toujours est-il que près de l’endroit où mes amis et moi travaillions, il y avait une vieille dame qui tenait un stand de picarones.
Ce sont des petits beignets faits à base de courge et de patate douce qu’on jette dans l’huile pendant quelques secondes, en veillant à leur trouer le ventre, pour leur donner une forme en anneau.
Une fois frits, on les recouvre d’un sirop de chancaca, semblable à de la mélasse solide et sucrée comme du miel, qui fait se lécher les doigts aux plus gourmands.
Durant la colonisation, les Espagnols ne parvenant pas à trouver tous leurs ingrédients habituels finirent ainsi par s’inspirer de la gastronomie Inca.
Nous faisions par cette échoppe de rue un détour quotidien après le travail et nous ne nous étonnions même plus de voir la cuisinière tremper ses doigts à nus dans l’huile grésillante, pour déchirer la chair des beignets afin d’y laisser un trou en leur cœur.
Comme si la routine et la bonne cuisine rendent béat et tuent les ardeurs expressives de ce qui nous choque au premier abord. Nous avions fini par constater qu’elle devait avoir perdu toute sensibilité au bout des doigts.
Le Zaatar
Nous voici maintenant en Palestine, et je me trouve dans un bus avec quelques autres internationaux et une vingtaine d’étudiants palestiniens. Nous roulons vers le nord, à bonne allure. L’atmosphère est encore un peu tendue, car nous venons de passer un checkpoint qui marque la frontière entre les territoires palestiniens occupés et Israël.
Au début, j’étais un peu stressée, car c’était mon premier checkpoint et en approchant, nous avons vu une mère palestinienne et ses trois enfants chargés de sacs de courses en train de se faire fouiller par un soldat lourdement armé. Quel rapport avec le Zaatar, me direz-vous, mais j’y viens…
Les Palestiniens qui nous accompagnent ont demandé, quelques jours avant notre expédition en terres israéliennes, une autorisation d’entrée. Mais, même s’ils sont équipés de ce document, il n’est pas bon pour eux d’être vus en compagnie d’un groupe d’autres jeunes venus du monde entier.
En approchant du checkpoint, le bus a donc ralenti et ils sont descendus pour nous laisser seuls. Leur point de contrôle est d’ailleurs séparé du nôtre de plusieurs centaines de mètres.
Quelques minutes plus tard, notre bus s’est de nouveau arrêté et un soldat est entré pour jeter un coup d’œil à l’intérieur. On lui a expliqué qu’on est un groupe de touristes venus en Cis-Jordanie pour visiter Ramallah, une ville assez touristique. On a précisé qu’on est maintenant en train de se rendre dans le nord du pays, près du lac de Tibériade…
Inutile de leur dire la vérité, à savoir qu’une vingtaine de Palestiniens nous accompagne et qu’en réalité, nous ne sommes pas de simples touristes. Mais là encore, pour en savoir plus sur cette mission, vous pouvez vous référer à l’article en question.
Le soldat nous a fait descendre du bus et on a tous été contrôlés, avant de pouvoir regagner le véhicule. Celui-ci est reparti et les Palestiniens nous ont rejoints quelques minutes plus tard, à l’abri des regards des soldats. On s’est alors empressés de leur demander comment ça s’est passé pour eux.
Cloîtrés derrière de grandes vitres, les militaires qui ont interrogé nos amis et vérifié leurs documents leur ont adressé le moins de mots possible. Mes amis ont été tenus en joue par ces vitres impersonnelles et froides. Je n’ai pas compris la raison de ce traitement différencié, parce que les internationaux eux ne sont pas séparés des militaires qui les contrôlent.
Après ces instants angoissants, l’atmosphère se détend de nouveau et les Palestiniens partagent du pain imbibé d’huile d’olive et saupoudré de Zaatar (le traditionnel et parfumé mélange de thym sauvage), de graines de sésame et de sumac (un acidifiant naturel).
Alors ce Zaatar a pour moi une place bien spéciale et me rappelle toujours ce moment de partage dans des circonstances si particulières.
Le Chicken Tikka Masala
Nous voici maintenant au cœur de l’Himalaya, dans le Laddakh, une province située à la croisée du Pakistan, de l’Inde et du Tibet. La route unique qui permet de relier le Laddakh au reste de l’Inde est la plus haute, mais aussi l’une des plus dangereuses du monde.
Et C’est dans cette région, tant adulée par les cyclistes expérimentés que mon groupe de vélo et moi avons effectué un magnifique périple. On a passé des sommets à plus de 5000, enchaîné des dénivelés de fou, roulé de monastère en monastère, en dormant sous les tentes.
J’ai réalisé que je n’avais pas de photos de nos repas pris sous une tante un peu plus grande que les autres. Des plats succulents étaient préparés par un cuisinier qui nous suivait lors de l’expédition. Ou plutôt, les photos que j’ai montrent surtout les convives assis sur des petits tabourets ou par terre, mais les plats ne sont pas assez visibles. Alors je vais tout simplement partager le plat indien que j’aime le plus, le Chicken Tikka Masala.
Pourtant, je ne mangerai peut-être plus jamais ce plat car je suis en train de devenir végétarienne, alors voilà, c’est dit.
Une mousse de Toblerone à la rhubarbe
Bon là, impossible de me souvenir dans quel contexte j’ai dégusté ce dessert… Je me souviens juste que c’était délicieux et ça illustre que la Suisse est autre chose que la fondue, même si j’adore ça.
Et en bonus…
Les chocogrenouilles
C’est en faisant mes courses chez Sainsbury’s, à Édimbourg, que j’ai trouvé des chocogrenouilles, et même des dragées surprises de Bertie Crochue…
Alors pour la fan inconditionnelle d’Harry Potter que je suis, ça a été incroyable.
En plus, Édimbourg est la ville de J. K. Rowling et j’ai visité la plupart des lieux desquels elle s’est inspirée.
Je vais m’arrêter là, mais si vous voulez faire d’autres escales dans mon assiette, n’hésitez pas à me le dire en commentaire, à partager cet article et à vous abonner à ma newsletter si ce n’est pas déjà fait.
Par ailleurs, le détail de tous les voyages que j’ai évoqués dans cet article sera disponible dans mon livre à paraître prochainement.