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Un chien guide refoulé d’une église le jour de Noël : les dangers de la moutonnerie chez certains croyants

Le 25 décembre dernier, mon chien guide s’est fait refouler par le prêtre d’une église.Eh non, je n’étais pas venue pour assister à la messe, et d’ailleurs je ne suis pas catho, mais je devais aider à l’organisation d’un repas en faveur des personnes sans-abri, que j’organisais avec des amis qui eux sont chrétiens.Je ne vous apprendrai rien en vous disant que parfois, on croit bien connaître certaines personnes, mais que nul n’est à l’abri d’une déception, voire d’une trahison.Souvent, on attend plus de nos proches que de quiconque, parce que la confiance règne et que des liens très forts nous unissent. Mais alors que faire quand une parole, un acte, ou même le silence de nos amis lorsqu’on restait certain qu’ils s’engageraient à nos côtés est aux antipodes de la foi qu’on avait en eux ?Lorsqu’on s’aperçoit que leurs intérêts personnels et de ceux de la religion qu’ils suivent aveuglément passent avant l’amitié qu’ils vous louent ?J’ai décidé de rédiger un article pour répondre à ces questions en présentant une facette de ma mésaventure hivernale qu’on a voulu occulter à tout prix.

Les faits

Les médias ont longuement relaté la mésaventure qui m’est arrivée à l’Église Saint-Bonaventure de Lyon, le 25 décembre dernier. Aussi, je ne ferai que résumer brièvement les faits, simplement pour recontextualiser l’histoire, avant de décrire la manœuvre de dissuasion et de culpabilisation dont j’ai fait l’objet. Loin de moi l’idée de me victimiser, mais dans certains cas, la mentalité de troupeau qui pousse tout un groupe à se taire d’une même voix devant une aberration, simplement pour se soutenir les uns les autres, est très intéressante à analyser.Avant de commencer, je voudrais remercier toutes les personnes qui m’ont soutenue à travers les médias sociaux, car vous avez été nombreuses, et cela fait toujours chaud au cœur…

Ce 25 décembre dernier, de soi-disant amis et moi organisions un repas de Noël en faveur des personnes sans-abri dans le sanctuaire Saint-Bonaventure, à Lyon. Ces derniers font partie d’une organisation appelée Sant-Egidio dont je parlerai plus en détail dans quelques paragraphes. À peine arrivée devant l’église, je me suis heurtée à la rudesse du prêtre, qui, posté devant la porte tel un videur de discothèque, a orgueilleusement refusé que Juke, mon beau gosse de chien guide, entre avec moi dans l’église. Légèrement désarçonnée par le curieux concept du prêtre-vigile, j’ai tout de même appréhendé la situation avec le sourire, expliquant que je faisais partie des organisateurs et que les chiens d’assistance sont admis dans tout lieu ouvert au public. Le Père Rollin, Patrick de son prénom, m’a dit que je pouvais laisser Juke dehors avec les autres chiens des sans-abri. Je lui ai expliqué que cela n’était pas envisageable du fait du statut particulier de l’animal. Non seulement la loi autorise Juke à entrer dans cette église, mais en plus sa demande revenait à imposer à une personne amputée de laisser sa prothèse dehors avant d’entrer. Par ailleurs, j’ai précisé que l’éducation d’un chien guide coûte environ 20 000 euros et que cette somme n’a pu être réunie que grâce à des donations populaires. Donc raison de plus pour ne pas laisser Juke dehors.Voulant sans doute se poser en médiateurs, mes amis d’alors ont proposé au prêtre de faire entrer mon gros tas de sable quitte à le laisser dans l’une des nombreuses pièces situées au premier étage de l’église, mais l’homme de Dieu s’est énervé et a menacé de nous couper tout soutien futur si nous insistions encore. J’ai senti qu’on touchait le fond, certaine que dès lors, les autres seraient au moins autant choqués que moi, sinon plus, de ce chantage malhonnête. Surtout que d’habitude, ils n’ont pas la langue dans leur poche, forts de nombreuses années de militantisme étudiant.Enfin voilà, malgré l’arrivée de la police, que j’ai appelé pour faire constater l’infraction (puisqu’il ne faudra pas compter sur mes « amis » pour témoigner), l’Homme de Dieu est resté campé sur ses positions, car seuls les c… changent, c’est bien connu. C’est à partir de là que l’histoire est devenue spéciale…

Quelques données intéressantes

Je l’ai mentionné plus haut, ce repas de Noël était organisé par des membres de Sant’Egidio, une communauté de fidèles catholiques fondée à Rome en 1968. Depuis, la communauté s’est agrandie et dispose de plusieurs antennes en peu partout dans le monde. Elle a pour but de tisser des liens d’amitié avec les personnes de la rue, d’organiser des séances gratuites d’aide aux devoirs pour les enfants issus de quartiers sensibles, de favoriser les échanges entre les jeunes voulant promouvoir la paix dans le monde au lieu de se résigner à attendre que les choses se fassent d’elles-mêmes. Mais il est temps de se demander ce qui se cache derrière cette vitrine fumeuse ?Je ne suis pas catho, mais il m’est arrivée de filer un coup de main à Sant’Egidio Lyon pour certains évènements solidaires. J’ai notamment participé à des maraudes, des récupérations d’invendus et j’ai fourni mon appartement pour la préparation de repas et de boissons chaudes redistribués ensuite dans la rue. L’antenne de Lyon est gérée par Anne, une ancienne étudiante en psycho qui n’a absolument aucun recul sur ce qui est écrit dans la Bible et qui s’est auto-proclamée présidente sans jamais avoir été élue. La gouvernance dans les structures religieuses est souvent quelque chose de fascinant…Je ne peux affirmer que la présidente de Sant’Egidio Lyon n’a pas une grande capacité de réflexion et d’auto-détermination, avec un réel manque de recul sur sa religion sans illustrer mes dires. Par exemple, le fait que l’église Saint-Bonaventure fasse payer 300 euros à Sant’Egidio pour utiliser les locaux le temps de l’évènement ne l’a pas surpris le moins du monde. Oui oui, vous avez bien lu. L’Église, ce lieu d’accueil et d’asile inconditionnels, loue ses locaux pour l’organisation de repas solidaires. Quelques jours avant l’évènement, j’ai expliqué à Anne que cela était scandaleux, mais elle m’a répondu que l’église ne faisait aucun profit là-dessus, qu’il s’agissait simplement d’une contribution servant à couvrir les frais de chauffage et d’électricité nécessaires lors du repas… No comment.Alors quand on sait ça, le fait que Patrick nous ait menacés de couper tout soutien si nous insistions trop à vouloir faire entrer ce chien, ça ne passe pas. Même si vous ne me connaissez pas, je suis sûre que vous pouvez vous imaginer ma tête à ce moment-là ! Un prêtre qui non seulement fait du chantage pour asseoir son autorité tout en dissuadant quiconque de contester sa décision, mais en plus quand on connaît la réelle teneur du soutien qu’il a apporté lors de l’organisation de ce repas, on ne peut que sauter au plafond. Bon dans mon cas, c’était difficile vu que je n’ai jamais pu entrer dans cette église et que dans la rue, il n’y a pas de plafond. À ce moment-là, les gens que je tenais pour amis ont affirmé que je n’avais qu’à laisser Juke dehors. D’après eux, si on le faisait entrer, les sans-abri ne comprendraient pas pourquoi leurs boules de poils à eux devaient rester dans le froid. Je ne pense absolument pas que ma grosse crêpe flambée a plus d’importance que les autres chiens, mais en l’occurrence, les personnes de la rue étaient les premières à me soutenir et à trouver parfaitement normal que Juke puisse entrer dans l’église.

Le fond du fond de la moutonnerie en puissance

Au cours des jours qui ont suivi l’incident, les membres de Sant’Egidio Lyon, susnommés « amis », ont fait tout ce qu’ils pouvaient pour me dissuader de déposer plainte. De quoi avaient-ils peur ? De quel droit se permettaient-ils de se prononcer sur ma décision de porter plainte ou non ? Ce prêtre a enfreint une loi de la République en méconnaissant mes droits les plus légitimes. Ils m’ont clairement fait comprendre que mon comportement était égoïste, et que je ne pensais pas assez à leur image. Après tout, il fallait que je sois compréhensive, le prêtre était sous pression ce jour-là, suite à l’arrivée d’une centaine de sans-abri. Moi, je ne voyais pas le rapport entre le nombre d’invités et le laxisme qu’ils m’imposaient à coups de culpabilisation. Si d’ailleurs légitimer le comportement de ce prêtre collait mieux à leur image que condamner ce qui s’est passé, alors je n’avais définitivement plus rien à leur dire.On m’a alors accusée d’être responsable de la rupture du partenariat entre Sant’Egidio et Saint-Bonaventure ! Vous remarquerez qu’un partenariat qui donne accès à une église pour la modique somme de 300 euros afin d’y organiser un repas caritatif, c’est hyper cool ! D’après eux, en apprenant ce qui s’est passé, l’antenne de Paris risquait de ne plus les soutenir, décidément, tout le monde voulait les lâcher !Cette semaine-là, mon téléphone a beaucoup sonné, certains membres se sont même déplacés chez moi alors que j’avais dit ne pas être disponible à ce moment-là et que j’avais proposé un autre créneau horaire. Sans préavis, Anne m’a retirée du groupe messenger de Sant’Egidio. J’ai pourtant contribué à l’organisation de cet évènement, que ce soit en donnant de mon temps avant le jour J, de mon argent pour l’achat de cadeaux aux invités, et de mon répertoire (en demandant à une amie pâtissière de confectionner une belle bûche). Je ne m’attendais pas à des remerciements, car toute l’aide que j’ai pu apporter était inconditionnelle et sans retour, mais venant de la part de ces soi-disant « jeunes pour la paix », il me semble que l’ostracisme et le rejet ne devraient pas être de mise.Alors qu’elle n’a pas daigné lever le doigt d’un millimètre, ou ses fesses de la chaise sur laquelle elle était assise bien au chaud pendant que le prêtre-vigile me maintenait dans le froid, Anne, la présidente de Sant’Egidio Lyon, m’a appelée deux semaines après les faits, pour simuler une tentative de dialogue. En réalité, elle m’a bien précisé qu’au nom de Sant’Egidio elle ne pouvait me soutenir, qu’elle tenait bien trop à ce fameux partenariat avec Sain-Bonaventure, tout en ajoutant avec condescendance « mais à titre personnel je te soutiens hein ». « Ah bon ! À quel moment » ? N’est-ce pas elle qui m’a supprimée du groupe messenger de Sant’Egidio sans jamais entrer en com avec moi ? Mais quelle hypocrite celle-là ! De son côté, L, que je connais depuis 10 ans et qui ne va jamais à la messe sans faire entrer son chien (de compagnie) en cachette, m’a répété que non, voyons, je n’avais pas vraiment besoin de Juke, que c’était seulement par luxe que je tenais absolument à le faire entrer, et qu’après tout, je ne m’étais jamais souciée des autres chiens. Quant à A, il a voulu taper dans l’originalité, m’accusant de vouloir être un symbole, symbole de quoi, je ne sais pas, car bon, porter plainte quand même, là c’est moi qui abuse ! À peine une heure après m’avoir assuré qu’il tenait à ce que cet incident n’endommage pas notre amitié de 10 ans, il m’a tacitement retirée du groupe de discussion qu’il avait créé pour inviter quelques amis à passer le Nouvel An chez lui dans le Jura. Et bon, les autres, ils se sont tus, certains affirmant qu’ils n’étaient pas présents sur les lieux, et que donc ils n’avaient pas d’avis à donner. Ainsi, si on suit cette logique, demain vous tuez quelqu’un, ses proches n’auront pas le droit de se prononcer puisqu’ils n’étaient pas présents sur les lieux !

Prendre ses distances avec les comportements moutonniers et ne pas les reproduire

Les membres de Sant’Egidio ont suivi un prêtre qui après les avoir fait payer excessivement cher l’accès à un lieu qui normalement donne l’asile à tout être vivant, méconnaît une loi de la République, empêchant l’accès de la maison de Dieu au chien guide d’une personne qu’ils ont en amie depuis une décennie. Là tu te dis que ce n’est pas possible, non d’un chien ! Quelqu’un va réagir quand même. Oui, car individuellement, ces gens sont tous doués d’un esprit critique. Et c’est là qu’une explication s’impose.Dans ce genre de situation, les gens se préoccupent davantage de leur place au sein du groupe s’ils donnent une opinion contraire à ce dernier, plutôt que de rester fidèle à ce qu’ils défendraient en tant qu’individus. Cette dépendance mutuelle et intrinsèque peut les conduire à dévier vers une forte tendance sectaire et à placer la société au-dessus de l’individu, obéissant aveuglément à une puissance autoritaire contre laquelle elles perdent leur esprit critique. L’obéissance ou soumission aveugle est ici actionnée par le rôle du prêtre, perçu comme un leader. En effet, lorsqu’on a affaire à une personne au rang social plus élevé ou ayant une notoriété plus importante, nous leur attribuons une connaissance et des qualités que nous n’avons pas. Mais attention, quand on perd à ce point notre capacité de discernements, de mouton on peut devenir un loup. C’est ainsi que des groupes peuvent fonctionner en pilotage automatique pendant des années, avec des effets collectifs dépourvus de tout débat contradictoire, sans s’apercevoir des dommages collatéraux catastrophiques pour la société et pour eux-mêmes.En montagne, il arrive de retrouver des troupeaux entiers morts au bas d’une falaise. Pour fuir un prédateur, le troupeau suit le mouton de tête. Si celui-ci se trompe de direction et arrive en bord de falaise, lancé à pleins gaz, il ne lui sera plus possible de s’arrêter. Poussé par l’inertie du groupe, il basculera dans le vide, suivi par ses congénères qui seront entraînés par ce même destin.En conclusion, il y a sûrement plein de situations où nous nous taisons alors que de grandes aberrations sont en train de se commettre sous nos yeux. Je ne dis pas qu’il faut passer son temps à se battre ou à refuser tout comportement commun, mais au moins, soyons cohérents avec nous-mêmes ! Quand nous appartenons à une organisation protégeant certaines valeurs de paix, faisons en sorte d’appliquer ces principes en-dehors de la meute, même si les intérêts de celle-ci ne sont pas forcément représentés. Soyons conscients des dangers du comportement de suiveur. Se réfugier dans la pensée de groupe favorise les phénomènes tels que le racisme, la xénophobie, l’oppression de minorités et certains conflits ethniques, ou même des guerres civiles.

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