Alors que je traverse l’aéroport d’Édimbourg en sens inverse, je sens la réalité des 180 derniers jours s’estomper un peu plus à chaque pas. J’en ai la gorge serrée et les larmes aux yeux, comme lors d’une rupture amoureuse. Je suis le seul témoin de mon expérience, le seul pont entre l’univers que je m’apprête à regagner et celui que j’ai bâti de mes mains.
Parce qu’une fois de retour en France, il me sera impossible de restituer fidèlement ce que j’ai vécu sans accuser une perte immense. J’aurai beau montrer le peu de photos que j’ai gardées, expliquer mon projet, raconter des anecdotes, révéler comment je me suis retrouvée confinée pendant des semaines avec une personne que je ne connaissais pas avant de venir, ce ne sera qu’une bien piètre restitution de l’intensité de l’expérience que je viens de m’injecter. Loin d’un simple coup de blouse à l’idée de rentrer de vacances passées sur une île paradisiaque, ce que je ressens va bien au-delà…
Il y a quelques jours, ma coloc me disait qu’elle avait commencé à tenir un journal de bord sur le confinement, parce que nous vivons une période historique. Alors je me suis demandé si je devais en faire de même, car en réalité, pour moi, le confinement, que par ailleurs je vis à Edimbourg, ne me prive pas plus de libertés que d’habitude. Bizarrement, j’ai même l’impression que le monde entier est soumis aux mêmes limitations que celles avec lesquelles je vis en permanence.
Alors loin de moi l’idée de m’apitoyer, ou de revendiquer des droits que la société semble incapable de me fournir, mais j’ai pensé qu’écrire un peu sur notre capacité de résilience ne ferait pas de mal.